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Coup de cœurDiversmust

« Le char à bancs » En souvenir d’Odival ©

By 7 décembre 20252 Comments

Le vieux char à bancs qui a nécessité des mois de travail pour retrouver sinon un semblant de jeunesse, un peu d’allure et surtout la capacité de rouler en sécurité, a été bondé d’une multitude de paquets enrubannés. Des cadeaux qui respectent, à la virgule près, la lettre envoyée au père Noël par les enfants de l’école voisine, une école à l’ancienne comme il en existe encore dans les campagnes, la mairie trônant au milieu et séparant les classes réservées aux filles de celles des garçons, puis une vaste cour où le grand sapin traditionnel est dressé.

Une cour où le père Noël va pénétrer aux guides d’Odival, et sous les cris de joie des gamins.

Odival, le puissant ardennais que j’ai eu la chance de me voir attribuer quand le haras l’a réformé, sans doute parce que j’avais fait la meilleure, voire l’unique offre, ce qui lui a sauvé la vie. C’était… il n’y a pas loin de trente-cinq ans. Ça remonte à la nuit des temps !

Il neige… on ne pouvait rêver mieux.

J’ai revêtu la tenue de circonstance. Par-dessus l’anorak — la balade sous la neige risque d’être froide —, un long manteau rouge à capuche bordée de fourrure blanche, une perruque et une barbe argentées, puis des gants rouges qui me transforment en père Noël, et tout se passera bien si personne ne m’adresse la parole, car une mère Noël, ce n’est pas envisageable si l’on veut espérer que les gamins croient encore un peu à ce conte de fées.

 Après une dizaine de kilomètres pendant lesquels Odival est particulièrement frétillant, nous entrons dans la cour où les enfants sont en effervescence, et hurlent de joie.

Nous nous arrêtons. Tournant rapidement la manivelle, je serre la mécanique[1] au cas où Odival serait tenté de s’agiter face aux galopins qui montent à l’assaut, mais il ne bronchera pas.

Il est vrai que la route enneigée a fini par calmer ses ardeurs de cheval que le froid électrise, mais Odival est surtout un Monsieur qui a été « bien élevé » au haras.

Alors que les enfants ne pensent plus qu’à déballer leurs jouets et aux gâteaux qui les attendent ensuite à la mairie, nous nous éclipsons à l’anglaise avec le sentiment d’avoir offert un peu de bonheur et repartons avec une once de mélancolie.

Saura-t-on un jour si le père Noël est triste lorsqu’il a terminé sa tournée ?

Il reste de notre retour, un cliché un peu flou pris par un passant qui a bien voulu me le communiquer.

D’un pas vigoureux, Odival retourne aux écuries.

J’ai gardé les gants rouges, mais ôté ma barbe blanche et mon capuchon.

Le ciel est déjà sombre et la plaine nivéenne s’engrisaille… j’ai le nez et les doigts gelés.

Peu importe, l’image est, impérissable et témoigne de l’un des plus jolis Noëls de ma vie.

[1] Les freins.

©   Julie Wasselin-Degrange  –  Extrait des récits de Julie Wasselin publiés à l’Harmattan

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