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Dressagemust

La Voix de son maître

By 31 octobre 2024novembre 1st, 2024One Comment

           

         Le meneur ne possède que peu d’aides pour dresser et conduire son cheval : les guides, le fouet, la voix… et j’en ajouterais une 4 ème, immatérielle celle là lorsque  le dressage, les rapports entre le cheval et son maître et l’utilisation de la voix du dernier  est juste au quotidien. C’est pratiquement une transmission de pensée entre le cheval et son meneur, son maître. Je ne sais quel cavalier a dit cela à un journaliste un jour, Isabelle Woerth  je crois lorsqu’elle montait Rembrandt : « il suffit que j’y pense pour que Rembrandt exécute ».

          Il en est de même avec le cheval attelé et son dresseur/meneur/maître lorsque le degré de complicité et entre les 2 êtres atteint un haut degré de perfection et de sensibilité. Le chemin de cet état de grâce  passe par la motivation et  la collaboration pleine et entière du cheval aux exercices.

         Une pause s’impose !  maître … voilà bien un mot tabou dans le langage d’aujourd’hui et pourtant ! la relation homme/cheval dressé en passe par là, parce que la psychologie du cheval est ainsi faite qu’il connaît et respecte l’ordre hiérarchique. Dans ses relations avec le cheval l’homme doit conquérir son rang et par la suite le tenir sans cesse. Mais l’homme qui se contente de voir dans sa propre perspective sans considérer que le monde, vu dans la perspective d’un cheval présente un aspect très différent ne devra pas s’étonner de ses échecs… (1)

         Domination et  soumission donc, (encore des mots tabous), dans une collaboration accepté par le cheval. Voilà bien le but et qui connaît bien le but à atteindre en connaît le chemin… (1).

         Pour peu que le dresseur maîtrise bien les aspects techniques et les outils qui lui permettront d’enseigner à son élève les actions ou attitudes auxquelles il le destine. Il ne reste plus qu’à communiquer avec lui afin que la technique passe  et que l’éducation se fasse !

         Deux être vivants à qui l’on demande de collaborer harmonieusement doivent se comprendre pour parvenir à un résultat (Aloïs Podhajsky). L’actualité équestre nous prodigue en ce moment un éclairage fort de cette relation. Ceux qui ont pu voir Lorenzo et ce qu’il fait de ses chevaux Camargue comprendront.

                   Le langage, parlons en…

         Selon Konrad Lorenz, « l’absence de langage chez les animaux  développe chez eux un extrême degré de sensibilité et de perception ». Le langage du cheval passe par les oreilles, la queue, et  les hennissements. Répéter les mêmes mots avec les mêmes intonations (intonations justes !)  aura une influence directe sur celui-ci. Selon Maurice Hontang  (2)  le maître écuyer J.Y Delacour utilisait l’allemand  pour les commandements et l’italien pour les flatteries et les récompenses…  Nous y voilà !

         J’ai pour ma part eu 2 expériences sur le sujet qui m’ont laissé quelques souvenirs des plus agréables. Lors de l’un de ses séjours en France, Ignaz Lauscha, Ecuyer en Chef de l’Ecole de Vienne m’a fait l’honneur de passer voir mes lipizzans  de l’époque, sans doute  intéressé parce qu’un petit français pouvait en faire à l’attelage… l’une de ses premières paroles lors de l’enseignement qu’il a tenté de me prodiguer à été « vos chevaux comprennent combien de mots ? ». Plus qu’une réponse précise à sa question l’Ecuyer avait voulu marquer  son attachement à la communication verbale avec le cheval, et le cheval d’attelage en particulier.

         L’autre expérience sur le sujet m’a été donnée par un Sous-Maître qui avait cessé son activité dans le Saumur militaire celui des Colonel Margot,  Lt Colonel Aublet, pas celui d’aujourd’hui.

         A cette époque on y avait enseigné semble-t-il la façon de parler aux chevaux. Imaginez un peu des Reprises entières entièrement dédiées au travail de la voix, à la longe, aux longues rênes ou en attelage. Mon bon maître s’échinait à me reprendre sur  mes commandements, les mots, les intonations … cela a été ainsi souvent, car parler juste aux  chevaux n’est pas chose aussi simple qu’il n’y parait. Il faut en effet rapprocher ces cours de véritables leçons de diction et de communication théâtrale !

         Tous les adjectifs doivent et peuvent en effet accompagner la voix. Parodions Cyrano de Bergerac ! «une voix ?  que dites vous Monseigneur c’est un peu court. Est-elle  incitative, douce, énergique, caressante, calmante, encourageante, flatteuse, punitive, prévenante ???  »  et j’en oublie bien sûr…. Autant de modulations subtiles que le cheval ne manquera pas de décrypter faites lui confiance !

         Personnellement j’aime bavarder avec  mes chevaux pendant leur travail. Je crois que ceux-ci sont très à l’écoute et cherchent dans la voix une indication « c’est ça que tu veux ? » il n’y a qu’à  voir leurs oreilles, le relâchement d’un dos qui se crispait ou une bouche qui se fait plus douce, une subtile indication dans les guides …

         Parler juste est une affaire plus compliquée qu’il n’y parait car elle nous  impose une  rigueur absolue, trop tendance que l’on a à employer les mêmes mots pour plusieurs choses et de mauvaise façon !  Un cheval dont le pas se précipite, par ce que celui-ci s’inquiète ou qu’il est   naturellement nerveux ne se calmera pas sur un ordre sec «  MARCHE ! »  Criez dans les oreilles de votre amie « JE T’AIME … »  je ne suis pas sûr de l’effet que cela

Me croyez vous si loin de la vérité de tous les jours ?

         Un tuyau pour vous perfectionner : un aide extérieure  pour vous corriger bien sûr, et le travail du cheval en liberté. Lorsque votre cheval répondra à votre voix comme à votre placement par rapport à lui et exécutera dans l’instant les 3 allures, les arrêts, les reculers et les changements de direction vous aurez installé une bonne communication et…  une soumission librement consentie.

         Non ce n’est pas du Cirque et qu’en bien même ?

         Pour terminer ces mots de Michel Henriquet (3) : « Il n’est pas de bon ton de parler aux chevaux, mais on peut sans déchoir les cingler de coups ou les déchirer de l’éperon ! La voix est cependant une aide précieuse et la finesse de l’ouïe du cheval permet de la rendre très discrète. Il est possible de moduler toute la gamme des commandements, assez bas pour qu’ils soient inaudibles à tout autre que le cheval ».

       A mon Maître Jacques Ott

JCG

Bibliographie :

(1)   Kurt Albrecht –  Dogmes de l’Art –  Equestre Crépin Leblond

(2)   Maurice Hontang – Psychologie du cheval- Payot

(3)   Michel Henriquet – L’Equitation – Seuil

        Voilà un événement en 2024 passé inaperçu , et c’est bien dommage  …

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