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L'attelage de TraditionReportages

Voyage en landau

By 16 octobre 2024No Comments

Le Pin, 11 juillet 2015. L’ADAO organise son huitième Concours International d’Attelage de Tradition et innove en le proposant sur deux jours.

Nous arrivons assez tôt le samedi pour se préparer à la présentation l’après-midi, mais cette première épreuve se partage aussi sur le dimanche. Nous passerons demain. Cela nous donne le temps d’aller papoter avec tous les concurrents déjà installés.

Edwin nous rejoint chez Consuelo où nous prenons thé ou café.

Arrivés encore plus tôt, après 15 heures de route, Edwin, son épouse Esther, leur fils Tobias et leurs quatre chevaux viennent de Bettwiesen canton de Thurgovie, au sud de Constance en Suisse orientale.

Nous sommes contents de nous revoir, la dernière fois remonte à 2012, pour le 2ème CIAT de Loches et Beaulieu où ils avaient participé avec des amis menant également quatre chevaux à un roof seat break.

Le chapelier de Loches se souvient encore de leur visite !

 

Equipages Bürge-Sutter et Holenstein au jardin public de Loches en 2012

Edwin me demande alors si je veux monter dans son landau pour la présentation cette après-midi… Si je veux ? Mais oui bien-sûr, avec honneur et plaisir ! Je lui propose d’emmener mon amie Joce, puisque nous avons quartier libre.

Nous nous retrouvons dans leur campement (oui, le camion, la remorque, la caravane forment une cour carrée très pratique) pour donner un coup de main, à notre modeste niveau : quatre chevaux de sang, comparés à notre poney (de sang, certes) ça fait huit fois plus impressionnant !

Notre aide consiste à surveiller les chevaux, et les tenir à leur place au moment de la mise à la voiture. Edwin, Esther et Tobias sont parfaitement organisés pour tout gérer.

A l’attache :

Lasko Deutsches Sportpferd 5 ans TG,

Peppino Westphalien 13 ans VD, Deimos Hanovrien 9 ans VG et Chopin Westphalien 12 ans TD.

Edwin monte à cheval depuis l’âge de dix ans. Il fait son service militaire dans les Troupes du Train de Montagne, avec son Franches Montagnes, et se met à l’attelage en 1979.

Dans un concours de tradition, la vedette, c’est la voiture. Le landau, une rareté, attire tous les regards et les objectifs.

Ce landau huit ressors, déniché « en très mauvais état » en Grande-Bretagne en 1984, lors d’un stage linguistique (Edwin a alors 23 ans), subit deux restaurations, la dernière en 2010 chez Marek Doruch en Pologne (http://doruch.com.pl).

Construit par Edwin Kersterton à Londres en 1860, le landau fut le town coach du High Sheriff of Cambridgeshire, des High Sheriffs, à vrai dire, puisque une nomination, par sa Majesté, intervient chaque année, cela, depuis plus de mille ans.

Edwin et Esther se marient, le landau les emmène, et fait partie de la famille qui s’agrandit. Tobias, le plus passionné, les accompagne dans tous les déplacements. Edwin écrit : « Seul grâce à ma femme Esther et mon fils Tobias qui partagent mon loisir toute l’année comme Groom sur nos promenades et Concours c’est possible de participer aux Concours de Tradition. Nos chevaux sont soignés par nous et vivent chez nous à la maison ».

Visitons cette merveille, objet de toutes les attentions. La sortie de la remorque représente déjà un gros effort !

 

 

 

Ses courbures, arabesques, sinuosités, galbes, cambrures, en font une voiture harmonieuse et légère, une légèreté d’une tonne à vide, d’où la nécessité des freins à disque.

   

Sans les chevaux, la voiture ne serait qu’un bel objet de musée, elle va prendre vie grâce au généreux Chopin, au discret Deimos, au jeunot Lasko et à Peppino le danseur, toujours à se faire remarquer !

Edwin a troqué la blouse pour sa tenue de présentation, et supervise encore, d’un œil sagace, l’ensemble de l’équipage.

Bien-sûr, nous montons, une fois notre « cocher » à ses guides, et nous voilà partis pour la cour d’honneur du château, un kilomètre de détente supplémentaire, Tobias avait longé les quatre chevaux plus tôt dans l’après-midi.

Instinctivement et sans se concerter, nous évitons la position tout confort (avachie sur les dossiers), comme une évidence, coiffées et gantées, nous nous tenons bien droites, autant que possible pour ne pas dénaturer l’équipage.

La première image, de notre place, c’est le verso rassurant d’Edwin et Tobias, comme un mur protecteur, tandis que les arrières sont bien gardés, par Esther qui reste debout, et un cycliste de notre connaissance !

Les chevaux sont invisibles, sauf à se pencher au dehors ou à les observer lors des tournants, mais la petite musique des battues sur le macadam nous transportent déjà.

Sur l’allée Louis XIV, dernières vérifications avant la présentation, Edwin se soucie de notre confort : nous nous sentons comme des reines !

Les organisateurs demandent aux équipages une entrée royale par l’allée centrale, puis, piste à main gauche, le long de l’Écurie n° 1, avant de se présenter au premier juge. Autant dire que Madame Fancony, Messieurs Papin et de Chézelles, devront faire la différence entre la poussière récente et celle oubliée !

Tous ceux qui nous connaissent et nous reconnaissent sont surpris, amusés et sourient, nous aussi !

 

 

Tout de même : « ça en jette » !

Même façon carte postale centenaire !

Le lendemain, j’ai l’accord de mon équipage pour continuer l’aventure dans le landau. De toute façon Alain et Joce partent bien avant d’avoir à préparer les quatre chevaux. Ils sauront bien se débrouiller au retour du routier. J’assure mon rôle de palefrenière-coach-photographe jusqu’à la présentation.

Nous voici au départ, Edwin me confie le plan de route avec les horaires à respecter. Tobias me signalera les kilomètres, impossible à voir, un peu plus nonchalamment installée, oui, je me permets de m’adosser…

Je reste très occupée, entre le timing à surveiller, les films et les photos, et les moments de pur plaisir, à savourer ce voyage hors du temps, au milieu d’une campagne bucolique et verdoyante, peuplée de papillons qui viennent me visiter dans la voiture.

Esther s’autorise un peu de repos, quand la route va son chemin tranquillement.

Chopin, le brave, ne rechigne jamais à emmener sa voiture, surtout avec un jeune apprenti à ses côtés, mais dans les montées, les quatre chevaux sont sollicités. Souvenez-vous, le landau pèse une tonne, à vide.

Après le routier, Edwin rentre au paddock en prenant la contre-allée, comme tous les autres attelages. Hélas, chapeau compris, il culmine à presque 3,50 m. Pour éviter une grosse branche, il doit s’assoir sur ses pieds, tandis que Tobias, qui sauve son couvre-chef, tente de la dévier…

La situation nous fait bien rire, Tobias n’a plus qu’à aider son père à remonter sur le siège, ouf, les chevaux ne se sont rendu compte de rien !

L’après-midi, le ciel s’assombrit, une petite pluie fine commence à tomber. Il faut fermer les capotes pour protéger les coussins de laine.

Nous partons ainsi pour la maniabilité.

Me voilà toute seule dans l’habitacle, sombre et secret.

Je ne vois plus personne, j’entends à peine les pas des chevaux, j’entre dans un monde étrange, une bulle d’intimité troublante.

J’imagine. J’imagine tous les transports, les ravissements, les exaltations vécus dans un landau, capotes fermées.

Peut-être aussi de la mélancolie et du spleen. Non, un tel endroit ne peut qu’évoquer des moments passionnés, impétueux !

Le balancement des ressors ajoutent une ondulation pleine de volupté lascive.

Sauf que je suis seule, comme recluse du monde !

Edwin arrête ses chevaux, qui semblent détachés de la voiture, tant je les vois loin.

La voiture s’immobilise, jamais tout à fait, je ressens la respiration des chevaux, le moindre mouvement sur les sièges extérieurs, et je me rends compte, qu’à l’arrêt, dans le landau, impossible de se permettre la moindre privauté sans éveiller la curiosité !

Allez, foin de badinage et de marivaudage, je retrouve le monde actuel, je sors de la voiture, puisque nous avons le temps.

La pluie se calme et laisse des perles luisantes sur le cuir des ailes.

Notre équipage passe en dernier sur la piste de maniabilité, capotes baissées, sourire discret et dos bien droit, puis nous nous dirigeons tous vers le château pour la remise des prix et un dernier passage autour des écuries ancestrales.

Edwin reste à l’entrée de la cour pour manœuvrer plus facilement le moment venu.

Toujours très attentif aux autres, après la remise des cadeaux, il propose à Madame Sophie Lemaire, directrice du Haras National du Pin, et à Antony Gohier, premier dans sa catégorie deux chevaux de traits, mais privé de ses robustes percherons, rédhibitoirement allergiques aux ânes (pourtant si mignons et si sages !), de monter en voiture pour conduire le tour d’honneur final.

Oubliées la fureur et l’acrimonie du monde…

Les commodités et la majesté de votre voiture exceptionnelle, le bon vouloir de vos brillants chevaux, votre générosité et votre goût du partage : un tout grand merci, Edwin, Esther et Tobias de m’avoir offert ce délicieux voyage en landau et tous ces moments charmants, romantiques et mirobolants !

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